Résumé :
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Sans être tout à fait un roman en images comparable à 25 Images de la passion d'un homme (1918), Mon Livre d'heures (1919) ou Idée (1920), La Ville, comme sujet et comme représentation, n'est pas davantage une simple suite de cent bois gravés sur le thème de la vie moderne. La narration, plus elliptique que jamais, privilégie la multiplicité des points de vue. L'espace d'une journée, Masereel nous livre une vision cinématique et kaléidoscopique mêlée. Débarrassée du symbolisme d'Histoire sans paroles (1920) et du simultanéisme d'Idée (1920), La Ville offre une synthèse remarquable de l'oeuvre au noir de son auteur. Du haut d'une colline, un homme de dos regarde en contrebas la ville s'éveiller. Dès l'aube, les forces motrices des trains, des voitures et des rames de métros pressent une foule anonyme dans ses rues, ses bureaux, ses usines, ses grands magasins. Dans La Ville, on croise des ouvriers et des patrons, des employés et des employeurs, des repus et des affamés, des couples et des esseulés, des boxeurs et des sonnés, des culs-de-jatte et des hercules de foire, des vieux messieurs et de jeunes maîtresses, des tribuns et des tribunes, des turbins et des turbines. On assiste à un accident de la circulation, un défilé militaire, une manifestation qui dégénère, une réunion au cimetière, un enterrement de première. On expérimente la technique de la mort au lit, le mariage à l'église, la solitude en chambre, le désespoir en prison, les amours ancillaires, le bonheur dans le crime, la patience dans la recherche, l'accident de travail fatal. La vie nocturne semble exacerber les passions tristes : rue sans joie, rixe endiablée, adultère, cliques et claques, saoulographie, désespoir assis sur un banc ou couché dans un lit, suicide, crimes et châtiments. Et dans les beaux quartiers, où l'on s'amuse pour oublier sa propre vacuité : champagne pour les uns, caviar pour les autres.
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