Résumé :
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Ann O'aro aime tout ce qui touche au mouvement du corps, des rythmes et de la voix : "Je viens des arts martiaux et de la musique, avant de choisir le maloya pour chanter sur des sujets intimes et tabous". Son écriture sauvage s'imprègne des langages accidentés ou des tics langagiers : une fulmination poétique branchée sur les tabous insulaires et les émotions fortes, la violence sexuelle, l'inceste et les passions amoureuses. Comme dans "Kap Kap", une de ses chansons écrite dans le créole de la Réunion, son île natale. Un fonnkér cru et cinglant qui décrit l'étreinte d'un père incestueux, qui embrasse la folie et la violence d'une pulsion criminelle dans toute sa banale sauvagerie : "Amoin, marmay, bonom, lo lou, tousala ansanm, mi mor pour rash aou in kri, kan mêm sa pal amour / Moi l'enfant, l'homme, le loup, tout à la fois, je meurs de t'arracher un cri, à coup de griffes, à coup de queue, même si ce n'est pas un cri d'amour". Et le chant d'Ann jaillit, un chant qui plonge dans la réalité et n'a pas peur des ombres.
Notre avis : Ann O'Aro, originaire de la Réunion, sort chez BUDA sans doute l'une des plus impressionnantes productions depuis quelques années dans le monde de la world music. Impressionnant déjà par la magnifique voix de Ann O'Aro et son sens inné des rythmes, comme elle le dit elle-même. "Je viens des arts martiaux et de la musique, avant de choisir le maloya pour chanter sur des sujets intimes et tabous." La thématique des chansons traduit le malaise assez général de l'île de la Réunion, principalement pour les femmes de l'île. C'est donc sous couvert d'une poésie bien affûtée, façonnée par sa propre histoire sans pour autant être misérabiliste, bien que des sujets particulièrement douloureux soient traités dans son oeuvre, que sont abordés : les tabous insulaires et les émotions fortes, la violence sexuelle, l'inceste et les passions amoureuses. Comme dans Kap Kap, une de ses chansons écrites dans le créole de la Réunion, son île natale. Un fonnkèr (poésie réunionnaise) cru et cinglant qui décrit l'étreinte d'un père incestueux, qui embrasse la folie et la violence d'une pulsion criminelle dans toute sa banale sauvagerie... Plus globalement, si nous prenons du recul, cet album donne aussi un point de départ à ce qui pourrait être une chorégraphie. On visionne les ambiances, les mouvements, on se fixe sur le langage parlé sous forme de conte, on se laisse surprendre, on frissonne, on vibre, et au final on a qu'une envie, c'est de revenir à la première plage du CD, par peur d'avoir perdu quelques mots, bien que ce soit dans un langage que seuls les Réunionnais puissent comprendre. Mais l'art c'est ça, se retrouver devant quelque chose qui vous manque profondément, car l'artiste a su toucher votre âme et votre coeur. Ann O'Aro, un nom à retenir.
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